Jugement nos 1301643, 1301644 et 1302215 (3ème ch.)

Décision de justice
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L’avance accordée par une société mère à sa sous-filiale peut constituer un intérêt pour elle, et être ainsi déductible de son résultat imposable, si elle se situe dans le cadre d’une politique de développement commercial de la sous-filiale.

La société requérante a accordé, à une de ses sous-filiales, une subvention d’un million d’euros avec une clause de retour à meilleure fortune, qu’elle a déduit de son résultat imposable en application de l’article 38-2 du CGI. L’administration a qualifié cette subvention d’abandon de créance sans contrepartie, et l’a réintégrée dans le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés, estimant que la société requérante ne retirait aucune contrepartie de cette opération, qu’elle ne détenait directement aucune participation dans sa sous-filiale, que sa filiale qui détenait 35 % du capital de celle-ci était en situation positive.

Sur la charge de la preuve, en ce qui concerne les charges, il appartient au contribuable d’apporter tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. (CE, 20 juin 2003, Etablissements Lebreton, n° 232832).

Sur la notion de contrepartie dans les relations mère-fille, la jurisprudence avait déjà admis qu’un intérêt financier puisse justifier d’une aide consentie par une société mère à une de ses filiales dès lors que la défaillance d’une filiale peut menacer la survie de la société mère mais aussi son renom ou son crédit. (voir CE, 27 avril 1988, RJF 1988 n°707). En allant plus loin dans cette logique, le CE a jugé qu’une société peut, sans commettre d'acte anormal de gestion, prévenir les conséquences des graves difficultés financières d'une sous-filiale en lui consentant une aide, alors même qu'elle n'entretient avec elle aucune relation commerciale. (CE, 10 mars 2006, Sté Sept, n°263183). Mais le juge administratif doit également porter une appréciation sur l’existence ou non d’un risque manifestement exagéré résultant de l’aide accordée, notamment dans l’hypothèse d’une avance, même assortie du versement d'intérêts, mais d'un montant manifestement hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire (CE, 22 janvier 2010, n°313868).

Dans l’affaire jugée par le tribunal, les juges ont observé que la société requérante s’était engagée dans le cadre d’une politique commerciale orientée vers la montée en gamme du vignoble du Haut-Médoc exploité par sa sous-filiale, destinée à devenir une marque phare de son pôle vin. Depuis plusieurs années, la société requérante s’était engagée dans le soutien de sa sous-filiale en vue de travaux importants sur une surface représentant 40 % du vignoble et sur la cuverie. Le tribunal a considéré, que dans ces circonstances, et alors que la sous-filiale présentait des résultats déficitaires, la subvention accordée à la SCEA devait permettre à la société requérante de préserver son renom en garantissant la pérennité de son investissement à long terme. Ainsi, cet abandon de créance de la société requérante, qui n’est pas définitif dès lors qu’il est assorti d’une clause de retour à meilleure fortune, au profit de la sous-filiale, présente pour elle un intérêt. La société pouvait déduire cette somme de son résultat imposable.

Le tribunal a déchargé partiellement la société en réintégrant dans les charges déductibles le montant de l’avance consentie, au prorata de la part de capital détenu par la filiale dans la sous-filiale aidée.

Cf CE, 10 mars 2006, Sté Sept, n°263183

> TA Châlons-en-Champagne, 16 juillet 2015, n°1301643, 1301644 et 1302215 (3ème chambre)